Des actualités personnelles sous un style impersonnel, et inversement.
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Je me réjouis d'avance de ce week-end qui commence, avec un couple d'amis de Grenoble. En cette fin septembre, notre voiture traverse les petits villages de montagne plein de charme, sous un beau soleil encore peu réveillé mais prometteur.
Nous avons prévu de passer la nuit en altitude et puisque c'est une première pour moi, je m'inquiète des provisions que nous emportons. Dans les sacs : 2 baguettes, un fromage, des brioches pitchs, des madeleines, et un paquet de coquillettes à moitié entamé. Il est 10h du matin et cela me semble peu pour subsister à 3 personnes jusqu'au dimanche après midi. J'avais fait confiance à mes amis là dessus mais jamais le vieil adage : "on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même" ne m'avait semblé plus à propos.
Le problème nous dit Théo est que la tente et les sacs de couchage prennent toute la place dans les sacs. Donc si je comprends bien la logique, soit on fait une rando à la journée, et on a donc la place d'emporter à manger pour 2 jours, soit on fait une rando sur 2 jours et on a la place pour un seul repas... Ça s'annonce bien ! :)
Je me laisse cependant convaincre que tout ira bien parce qu'on me promet qu'il y a des refuges en altitude avec d'énormes marmites de pâtes et des tartes aux myrtilles. Et parce qu'on est en retard sur notre départ et qu'on a la flemme de faire demi-tour jusqu'à la supérette.
Nous partons et après avoir traversé quelques champs puis la forêt, les dernières framboises de l'année nous attendent. Elles se font discrètes mais ce n'est rien en comparaison des buissons de myrtilles à l'orée des bois, plus haut, qui sont moins timides et plus généreux. On s'en donne à cœur joie, nous sommes aux anges.
Un dernier regard vers ma femme, mon fils et mon domaine ainsi que vers ces arbustes amicaux, et nous continuons l'ascension, gais et insouciants. Que va-t'on trouver ensuite ? Des arbres à barbe à papa ? Des plantations de pots de confiture ?
Déjà haut, loin de toute verdure, nous pique-niquons. C'est le premier des 3 repas. Et déjà l'heure de la première conclusion : on va manquer de nourriture. Croyez-vous que cela nous arrêterait ? Que nenni ! Nous mangeons à notre faim et "on verra bien là haut". Ce n'est pas comme si 8h de marche creusaient l'appétit. Et puis il y a la fameuse tarte aux myrtilles qui nous attend.
Nous passons non loin d'une cascade et nos gourdes sont presque vides. Je demande si l'on fait un mini détour pour les remplir. Théo me dit que ça ira, qu'il y en a plein. C'était pourtant la dernière mais on ne le savait encore pas.
Quelques heures de marche plus tard, nous atteignons le sommet. Des roches, des lacs. C'est beau mais on commence à avoir soif et dans une heure la nuit va tomber. Je pense au film "Guillaumet, les ailes du courage" : un coucou de l'aéropostale s'écrase dans les Andes. Le pilote survit et doit marcher des jours durant dans la neige, sans équipement, sans rien. C'est une lutte de chaque instant entre la volonté aveugle de se battre et la facilité de se laisser emporter par le froid. Cela fait bientôt 2 heures que nous n'avons pas mangé ni bu tout de même.
5 minutes plus tard, nous voyons un refuge au loin. Nous sommes sauvés ! Mais non, notre équipe préfère continuer sa progression parmi les éboulis. Je n'ai pourtant pas entendu parler des mirages en montagne.
Finalement, un refuge en appelant un autre, nous arrivons aux "7 laux" (= 7 lacs) en toute fin d'après midi. Les bruits de cascades se font entendre, puissants. Nous dirigeant vers une ancienne bergerie nous dépassons une tête de mouton mort qui se fait ronger par les mouches, comme dans les westerns. C'est l'endroit idéal pour arrêter la caravane et fonder une ville, et mettre le crâne de mouton sur la plaque à l'entrée.
Nous posons les sacs et soufflons un peu, profitant de la magie du lieu. Le refuge qui affichait complet est visible d'où l'on est, à 30 minutes sur un chemin assez plat, ce qui nous (me) rassure. Un chamois vient nous rendre visite. Extraordinaire.
Vient le temps du dîner. Et des dilemnes. Pour le petit-déjeuner demain, ça devrait aller. Mais soit on mange tout maintenant et on n'a pas de repas de midi demain, soit c'est l'inverse. Dur. Voulant bien dormir, nous décidons de tout manger. Et puis demain il y a tarte aux myrtilles au refuge.
Distribution des rations de pâtes. Les gamelles n'ont pas toutes la même taille et les calculs sont compliqués, si bien que Théo mange "sans faire exprès" une bonne partie de la ration de sa copine. Après "le radeau de la méduse", ce sera soirée "petits meurtres entre amis". Ou plutôt "Shining" parce qu'on va crever de froid toute la nuit et ne pas pouvoir dormir. Finalement on aurait pu économiser le dîner.
Malgré une nuit difficile, le matin est agréable. Il fait beau, le soleil nous réchauffe et nous petit déjeunons seuls au monde devant un joli lac de montagne. Après une petite rando le matin, nous passons au refuge le midi, avant de rentrer dans la vallée. Nous croisons beaucoup d'autres randonneurs dans les parages. Moi qui croyais la montagne à nous !
Malheureusement le refuge vient de fermer pour l'hiver ce dimanche matin. Adieu vaches, cochons et tarte aux myrtilles. En aparté, je me demande quelle est l'utilité d'un refuge de montagne qui ferme pour l'hiver.
C'est avec le cœur aussi brisé que la pâte de la tarte à laquelle nous n'aurons pas goûté que nous redescendons. Nous nous consolons en pensant aux framboises et myrtilles fraîches qui nous attendent plus bas, mais même pas, puisque le retour s'effectue par un autre chemin.
au centre, le refuge dans lequel nous n'avons pas mangé de tarte aux myrtilles
Refuge, nous reviendrons.
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