Des actualités personnelles sous un style impersonnel, et inversement.
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Arrivée à Guatemala City après 38h de vol et 4 avions, dans un aéroport minuscule : il n'y a que deux portes d'embarquement. Aucun des avions n'aura eu de retard, je n'ai pas raté de correspondance, mes bagages sont là... Le plus dur semble être fait, j'ai envie de sauter de joie mais avec mon sac à dos de randonneur qui pèse 3 tonnes je n'y arrive pas. Ce que je ne sais pas, c'est que la première épreuve de mon voyage m'attend. ♫ (Fort-Boyard) Taaaaa ta taaa ta ta ta tatatatataaa.
Je dois rejoindre Panajachel, à 5h de route de là. Une navette est sensée m'attendre à la sortie de l'aéroport. Rien ne m'aurait fait plus plaisir que de voir mon nom sur une ardoise, entrer dans le minibus et m'écrouler. Mais c'est finalement d'autres touristes qui ont cette chance. Dehors, une horde de petits mexicains du Guatemala se pressent autour de moi, m'abordent en anglespagnol et me proposent de me conduire quelque part ou d'utiliser leur téléphone. Ils m'auraient donné des bonbons j'aurais accepté de les suivre mais ces petits gars de 40 ans avec une grosse moustache et une casquette ont l'air très louche.
La nénette dans l'aéroport finit par appeler la navette. Internet est plus fiable qu'il n'y parait. Je me retrouve seul touriste avec deux chauffeurs, pas très rassurant non plus au début. Dans un petit restaurant à mi-chemin, ils me demandent ce que je viens faire ici, et pour faire la conversation je leur demande où ils sont déjà allés / ce qu'il y a de bien au Guatemala. Ils me répondent qu'ils n'ont jamais quitté leur pays et quasiment pas leur ville non plus. Ils n'ont tout simplement pas de vacances, bossent le week end, et n'ont pas d'argent. Il va falloir que je travaille mon approche.
Seconde épreuve une fois arrivé à Panajachel : trouver la maison de ma famille d'accueil avec pour seule indication : "On the street called 'Rancho Grande', your home stay is on the road, after a house called 'Chalet Tony' and a Restaurant, you will see a gate, ask for Doña Christina (phone number xxxxxx)". Beaucoup de restaurants et aucune gate. Et je tombe sur le répondeur.
Je sonne un peu au hasard aux grilles dans la rue en espérant que tout le monde se connaisse et qu'on me renseignera. Je tombe sur une canadienne de 60 ans qui me fait entrer chez elle. Elle héberge quelques américains de 30 / 40 ans qui vivent là depuis plusieurs années. Elle m'invite à dîner. Ils sont tous végétariens et mangent du soja bio avec des baguettes chinoises.
Je finis par trouver la maison de Christina. Elle accueille 4 australiennes de 20-22 ans qui sont arrivées juste avant moi et n'a donc plus de place chez elle. Je devrai dormir un peu plus loin dans la maison de sa sœur, seul. Ça sera dur de justifier pourquoi je vais prendre ma douche dans leur salle de bain par hasard. En tout cas je suis content d'être enfin arrivé et de voir que l'on est un petit groupe de jeunes, ça devrait être sympa.
Les australiennes se révèlent en fait être de vraies pétasses et s'en vont 2 jours plus tard. Elles étaient deux par chambre et y rentraient direct après le dîner. Ce n'est pas vraiment l'ambiance entre bénévoles que j'imaginais, avec des nuitées autour d'un feu de camp entre guitare, rires et chants.
Il y a aussi Erika (USA, qui s'en va le lendemain du jour où j'arrive), Cornélia (Autriche), et Jim (USA, 60 ans, arrive le jour où je pars) qui sont eux tous très sympas, peut être parce qu'ils sont venus seuls. Dommage que les jours ne se soient pas plus chevauchés. Mais de manière générale il n'y a que 1 ou 2 bénévoles en tout dans l'association donc ça ne pouvait pas être mieux. Erika aura passé 9 semaines seule dans la famille d'accueil alors que tous ses amis (une classe entière de l'université qui fait un stage) sont ensemble dans d'autres familles.
Doña Christina a eu 10 enfants qui en ont chacun eu un certain nombre. Ils vivent la plupart sous le même toit avec leur conjoint et leurs enfants, dans une maison de n chambres (n > 15 ?) qui ressemble à un hôtel en construction. Je n'ai jamais vu que la salle à manger, Christina qui ne quittait pas le tabouret de devant les fourneaux, et 2 de ses filles. L'une passait son temps à faire la lessive à la main et l'autre avec son bébé. Ils se parlent entre eux en K'iche (une langue maya) mais parlent aussi parfaitement espagnol.
A table : riz, haricots rouges et chou fleur constituaient le gros du repas, que ce soit au petit-déjeuner, au déjeuner ou au dîner. Il y avait aussi des tortillas mais seules. Un peu comme une crêpe au fromage sans fromage, c'est un peu fade.
La famille d'accueil c'est vraiment un super moyen de "vivre le pays", même si on n'aura jamais pris de repas avec la famille et qu'on n'en aura vu que 3 membres. On avait des conversations plutôt limitées du fait de la barrière de la langue mais ça n'empêchait pas une franche bonne atmosphère entre Christina qui est un vrai bout-en-train et nous les "touristes" avec notre bonne humeur et notre goût des rencontres.
Je ne sais pas trop non plus ce qu'ils faisaient durant la journée, sauf celle qui lave tout le temps du linge. La maison où on était reste cependant une exception je pense, beaucoup plus riche que la moyenne pour des mayas. Le travail avec l'association aura été génial pour voir autre chose justement.
Les familles mayas représentent une minorité au Guatemala, ils continuent de s'habiller comme leurs ancêtres et subsistent en vendant des colliers ou des tissus tressés aux touristes, mais je doute que beaucoup de leurs enfants reprennent le flambeau, à l'instar du petit-fils de Christina, adolescent qui s'habille comme vous et moi.
L'association est une véritable petite entreprise : 17 employés dont beaucoup de gens du coin. Le principe : des bénévoles aux USA organisent des événements et récoltent des dons. L'argent sert à subvenir directement aux familles sur place, à éduquer et à acheter des fours (voir plus loin).
En contrepartie ceux qui payent ont l'impression de parrainer des enfants/familles au Guatemala. L'association dist des couvertures, des jeux, ... et envoit de temps en temps une photo de l'enfant et de sa famille au "parrain" pour qu'il constate que son argent n'est pas jeté par les fenêtres. D'ailleurs c'est impossible, il n'y a pas de fenêtres dans leurs petites maisons en tôle.
Les premiers jours j'ai accompagné un de ces groupes d'américains dans les écoles maternelles. C'était très sympa, surtout d'être debout à l'arrière d'un pick-up. On était bien 15 adultes pour 20 enfants donc il n'y avait pas grand chose à faire, mais c'était agréable. Je pensais aussi que "travailler avec des enfants" n'était pas fait pour moi, j'en suis maintenant sûr.
On a aussi été installer des fours dans les maisons : quand ils cuisinent ils font un petit feu de camp dans leur maison. L'espace est petit et pas aéré, ça enfume tout le monde. Leurs murs sont noirs de crasse et on peut imaginer que les poumons des habitants sont pareils. Avoir un four avec un conduit pour évacuer la fumée c'est un plus. Mais est-ce finalement le plus utile ?
Comme on peut le constater, certaines familles vivent dans le dénuement le plus total. Ils ont une seule pièce froide et sombre de 6 mètres carrés. Ils n'ont aucun mobilier, pas de lit, pas de chaise, pas de petit placard, pas d'eau courante.
Et pourtant ils ont des vêtements propres, se lavent quelque part, sont souriants. Il faut dire que le pays est très vert et que tout pousse à profusion ici.
Les villages ici sont autour du lac Atitlan, et une des maisons visitées était à flanc de colline. La vue du lac en arrière-plan de quelques villageois qui cultivaient leur parcelle en terrasse était vraiment magnifique. J'ai été bluffé par la beauté de l'endroit qui contrastait avec la pauvreté apparente de la famille. Le jardinet était couvert de ses deux arbres parasols qui donnaient de fruits du dragon. J'ai pensé que c'était les fruits du paradis.
Après le week-end, j'ai fait de la menuiserie comme je l'avais demandé. Je m'attendais à aider des charpentiers à construire une maison sous les yeux en larmes d'une mère de famille nécessiteuse qui porte son bébé mourant dans ses bras. J'ai en fait passé 3 jours à poncer des planches, à les entreposer dehors, à revenir le lendemain et à les reponcer à cause de la pluie de la nuit. Il n'y avait plus d'autres touriste que moi dans la famille, je prenais mes repas seul, je bossais avec un casque anti bruit, et j'ai préféré m'arrêter là et continuer mon aventure.
Mon programme final au Guatemala (11 jours) : famille d'accueil/association avec les américains, visite d'Antigua en allant au week end surf avec Cornélia, 3 jours de menuiserie seul, quelques verres avec les employés expatriés de l'association et d'autres bénévoles, puis Rio Dulce/Livingstone (1 jour) puis ruines mayas de Tikal (1 jour). C'est Jim qui m'a parlé de Rio Dulce/Livingstone et Cornélia qui m'a proposé le surf. Voyager sans plan a du bon !
Autant dire que si les photos de ruines ça impressionne, ce qui me restera le plus ce sera les repas avec Christina, la matriarche maya de la famille d'accueil, ainsi que d'entrer dans les maisons des familles aidées par l'association. L'un des moments de l'aventure qui fait le plus réfléchir.Objectif numéro 1 de mon voyage accompli. Quand je pense que j'ai vécu tout ça en moins de 2 semaines, je sais ce que je ferai pour mes prochaines vacances. Pas besoin d'attendre de démissionner pour avoir 1 mois de vacances ou plus pour être dépaysé ! Etre bénévole aura été peu utile en soi et loin de mes rêves écolo/humanitaires mais ça aura été une excellente raison de rester en famille d'accueil et sans doute mon souvenir le plus marquant. Un objectif peut en révéler un autre !
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