Des actualités personnelles sous un style impersonnel, et inversement.
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En 1994, les Hutu ont exterminé les Tutsi au Rwanda sous les yeux des forces françaises. Mitterrand ainsi que tous les chefs d'états avaient "condamné ce massacre", sans pour autant lever le petit doigt. Pire encore, il avait même donné l'ordre à l'armée de ne pas intervenir. Et pourquoi désobéir quand depuis une jeep blindée on voit des hommes en attaquer d'autres à la machette ?
En 2021, rebelote, ou presque. Les talibans reprennent le contrôle de l'Afghanistan, ville par ville, jour après jour. Tant qu'ils n'ont pas Kaboul on nous dit que la situation n'est encore pas dramatique. Sauf qu'il n'y a aucune résistance, et que la communauté internationale se contente encore une fois de "condamner l'avancée des talibans", à défaut d'apporter une aide sur le terrain. Jusqu'à ce qu'ils prennent Kaboul, sans surprise, et l'on nous dit alors qu'il est trop tard pour agir, sans surprise là aussi. En chemin, les talibans libèrent leurs confrères détenus en prison.
S'en suit une conférence de presse surréaliste : les talibans se veulent rassurants. Ils ont formé un gouvernement et ils promettent d'être respectueux. Les talibans 2.0 affirment avoir pardonné à ceux qui ont pensé différemment d'eux. Ils sont tellement convaincants que le ministère américain a même demandé à ce qu'ils aient des femmes dans leur gouvernement, parce qu'avec le sans-glutten c'est la préoccupation principale des années 2020. À quand une invitation à la prochaine conférence sur le climat ?
En réalité, ce qu'on nous présente comme un coup de théâtre était prévu : en 2020, l'OTAN a signé un pacte avec les talibans puisqu'ils n'arrivaient pas à les vaincre. On leur laissait l'Afghanistan aux mains s'ils promettaient de le défendre contre Al-Qaïda !
Il y a plusieurs conséquences.
À court terme, c'est un désastre humain. On laisse des dizaines de millions d'habitants dans la peur, aux mains de terroristes. Les habitants vont fuir - pour ceux qui le peuvent. Ils ne reviendront probablement pas. Pour les autres, les exécutions sommaires ont commencé. Et comme pour le Rwanda, nous restons inactifs. Pire, c'est contractuel. Cela porte un nom : la non-assistance à personne en danger. À quoi servent les soldats de tous les pays développés (pour ne pas dire "grandes" nations) déployés un peu partout dans le monde ? J'exagère, les soldats sont là pour rappatrier une poignée d'expatriés qui travaillent dans les ambassades. Certaines vies en valent plus que d'autres.
À long terme, il en va de la stabilité géopolitique d'une multitude de pays. Si l'on ne montre pas l'exemple, d'autres territoires fragiles vont connaître le même sort que l'Afghanistan. "Servez-vous ! ce n'est pas notre problème." Pays par pays c'est tout un continent qui souffre, et un étau qui se ressert sur ses habitants. L'instabilité appelle l'instabilité, et chaque état sauvé compte avant que tout ne se transforme en poudrière.
Il va aussi y avoir des conséquences en Europe, outre l'ouverture de restaurants afghans. Bien que l'exode concerne souvent les populations les plus éduquées, leur intégration ne sera malheureusement pas simple et en proie à une montée des nationalismes déjà galopants. Pragmatiquement, le coût futur de la gestion sociale en Europe sera probablement plus élevé que l'aurait été celui de la lutte. Faut-il voir dans le jeu américain une stratégie de déstabilisation de l'Europe dans la guerre économique qu'elles se livrent ?
Au final, quel gâchis ! Il a fallu des années pour détrôner les talibans. Il y avait finalement un semblant d'équilibre, un pays qui renaissait de ses cendres. Mais en quelques semaines ils ont repris le contrôle, et il faudra à nouveau des années pour les déloger. C'est un pays entier que l'on sacrifie et que l'on observe se débattre. Depuis que les russes ont envahi l'Afghanistan en 1979, rien ne va plus. Je condamne l'inaction des hommes politiques.
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